Agro-industrie : au Cameroun, Nana Bouba Djoda prépare la relève

À 68 ans, le fondateur du holding NBG, qui s’est bâti un empire dans la fabrication et la distribution de produits de première nécessité, passe progressivement la main à ses fils.

Nana Bouda Djoba © FERNAND KUISSU POUR J.A.

Nana Bouda Djoba © FERNAND KUISSU POUR J.A.

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Publié le 25 mai 2016 Lecture : 4 minutes.

Avec la plantation, prévue pour cette année, de 500 ha de palmiers dans la région du Littoral (Sud-Ouest), le projet Greenfil n’en est qu’à sa phase de lancement. Mais son responsable, Mohamadou, fils aîné de Nana Bouba Djoda, le fondateur et unique propriétaire de Nana Bouba Group (NBG), le qualifie déjà de « structurant ».

À l’horizon 2030, la palmeraie, qui devrait employer plus de 3 500 personnes et dépasser les 15 000 ha, à cheval entre le Littoral et le Sud, produira suffisamment d’huile de palme pour alimenter en matière première les savonneries Azur et Ibi, propriétés de NBG.

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L’accès au foncier, un enjeu de taille !

Prudent, Mohamadou préfère toutefois ne pas trop s’avancer, car les 120 millions de dollars (environ 105 millions d’euros) à mobiliser pour ce projet font encore l’objet de discussions avec les banquiers et les partenaires financiers. L’acquisition des terres représente l’autre obstacle majeur. « Nous espérons obtenir le soutien des autorités, car l’accès au foncier est un gros problème pour le développement de l’agriculture au Cameroun », souligne Abbo Amadou, le directeur général de NBG.

Le premier groupe camerouno-camerounais.

Avec ce projet de palmeraie, le holding camerounais, créé en 2014 pour fédérer neuf entités opérationnelles, entend maîtriser toute la filière palmier à huile : il contrôle déjà la production du savon de ménage (avec ses sociétés Azur et Ibi) et la distribution de biens de première nécessité (avec la Société alimentaire du Cameroun, Soacam).

Une stratégie d’intégration verticale qui, si elle donne satisfaction, « pourrait être appliquée à la filière tomate et à d’autres filières où le groupe est présent », insiste Abbo Amadou.

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Fort de plus de 2 000 employés, NBG a revendiqué un chiffre d’affaires consolidé de 245 millions de dollars en 2014. « Il s’agit aujourd’hui du premier groupe camerouno-camerounais », tranche Samuel Ngend-Ngend, professeur associé de finance à l’université de Dschang, qui a mené une consultation chez Azur. Le holding est présent dans la fabrication de concentré de tomate (Sagri), l’élevage bovin (Cambeef), les boissons gazeuses et l’eau minérale (Nabco), l’immobilier (SCI-Krina) et le BTP (Berni).

Rayonnement à l’international

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Avec la Soacam, il domine la distribution des produits de première nécessité (riz, sucre, huile raffinée, savon de ménage, pâtes, tomates et farine), en s’appuyant sur un réseau logistique solide, composé de 17 points de vente et de 63 entrepôts. Un maillage étendu, en particulier dans les localités frontalières, qui assure la présence de ses produits dans les pays de la Cemac, et même en RD Congo et au Soudan.

Ce rayonnement hors des frontières a récemment valu au groupe une reconnaissance internationale. En février, Azur, première entreprise camerounaise exportatrice en zone Cemac, obtenait le prix de la coopération Sud-Sud, décerné lors du Forum international Afrique développement, organisé à Casablanca par Attijariwafa Bank. Tandis qu’en mars Nabco concluait un partenariat avec la Fédération camerounaise de football, faisant de son eau minérale Ôpur la boisson officielle des Lions indomptables à la place de sa rivale Source Tangui (groupe Castel).

À la tête de l’empire, Nana Bouba Djoda, 68 ans, surnommé « le nabab du Septentrion » par l’hebdomadaire L’Œil du Sahel. Ce fils de berger peul a le parcours classique du self-made-man camerounais.

Du commerce itinérant à l’industrie agro-alimentaire

Orphelin à 9 ans, il débute dans le transport à l’adolescence, au Gabon, avant de se lancer dans le commerce itinérant entre le Nigeria, le Gabon et son pays natal au milieu des années 1970. En 1984, il ouvre une échoppe à la Briqueterie, le quartier musulman de Yaoundé, et fonde les établissements Nabo (pour Nana Bouba), qui deviendront la Soacam sept ans plus tard.

Le passage du commerce à l’industrie s’impose au début des années 2000. Assistant aux difficultés de Complexe chimique camerounais (groupe Fadil), qui est alors son fournisseur en savon, Nana Bouba Djoda songe à créer sa propre savonnerie. « Tout le monde m’a dit que c’était possible, et cela nous a été confirmé par des études », lâche-t-il laconiquement. Dirigée par Abbo Amadou, un biochimiste ayant également étudié le management à l’Essec (Paris), la société Azur, dont l’usine est installée dans la banlieue est de Douala, produit ses premiers savons de ménage en 2001 et de l’huile de palme raffinée six ans plus tard.

Le début de la décennie 2010 marque un nouveau tournant. Sagri et Nabco sont créées en 2011 ; les autres filiales naissent lors des quatre années suivantes. « Nos projets sont arrivés à maturation, et nos ressources humaines ont atteint leur plein potentiel », se félicite Abbo Amadou.

Cette boulimie de création d’entreprises s’accompagne d’une diversification des secteurs, comme le montre le projet agricole en cours. Jusqu’ici, Nana Bouba Djoda s’était évertué, conformément à la vision peule selon laquelle le nombre de bovidés est l’étalon de mesure de la richesse d’un homme, à constituer un imposant cheptel – plus de 15 000 bœufs.

Sous la bannière de Cambeef vont se mettre en place une industrie laitière, une boucherie, une charcuterie et une tannerie pour transformer les produits issus du vaste ranch de Baledjam, dans la région de l’Adamaoua (Centre).

Sa fondation caritative œuvre dans la santé et l’éducation.

Ces différents virages s’effectuent sous l’impulsion des nombreux fils du patron. « Ils s’occupent surtout du développement du groupe, en s’entourant de spécialistes pour chaque sujet : achat des terres pour les futures plantations de palmiers, négociation des grands contrats, pourparlers avec l’État et les bailleurs de fonds… » observe Samuel Ngend-Ngend.

Depuis août 2015, le patriarche a procédé à un vaste jeu de chaises musicales pour leur octroyer des postes dans ses différentes filiales… mais ne semble pas pressé de passer définitivement la main. « Je prendrai ma décision lorsqu’ils auront suffisamment fait leurs preuves », lâche-t-il durant les courts instants qu’il nous accorde.

Nana Bouba Djoda a d’autres casquettes que celle de chef d’entreprise. Sa (discrète) mise en retrait permet à ce musulman pieux de s’occuper davantage de sa fondation caritative, qui œuvre dans la santé et l’éducation. Et à ce membre du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) de régenter la vie politique de son département d’origine, le Mbéré. « Il assume pleinement son statut de leader politique local », affirme Abbo Amadou.

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