Nathalie Sauvanet : « Les mécènes ciblent des secteurs qu’ils maîtrisent »

Nathalie Sauvanet, spécialiste de BNP Paribas Wealth Management, décrypte les spécificités de la philanthropie.

Nathalie Sauvanet est directrice de la Fondation de l’Orangerie – BNP Paribas Wealth Management. © BNP Paribas Wealth Management

Nathalie Sauvanet est directrice de la Fondation de l’Orangerie – BNP Paribas Wealth Management. © BNP Paribas Wealth Management

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 29 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

Chaque année, la banque française BNP Paribas décerne des prix de la philanthropie individuelle. En 2016, le lauréat du Grand Prix était un Américain : Edward Scott, un millionnaire qui œuvre au changement des politiques de développement en faveur de la santé et de la lutte contre la pauvreté. Culture du don, personnalisation du mécénat, culte du résultat, mélange des genres…

Nathalie Sauvanet, responsable de l’offre « Philanthropie individuelle » à BNP Paribas Wealth Management, décrypte pour Jeune Afrique les spécificités de la philanthropie américaine, qui n’est pas si éloignée de celle des autres pays du monde, y compris africains.

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Jeune Afrique : Peut-on qualifier Bill Gates ou Mark Zuckerberg de « nouveaux philanthropes » américains ?

Nathalie Sauvanet : L’évolution est naturelle et correspond aux origines des récentes richesses. Nous sommes passés d’une philanthropie américaine de la côte Est – symbolisée par Carnegie, Rockefeller et leurs fortunes construites aux XIXe et XXe siècles sur des empires industriels – à une philanthropie de la côte Ouest, incarnée par les fortunes du numérique, Bill Gates en tête, et des patrons de start-up.

Les fondations des premiers ont souvent été créées à titre posthume, sans cause spécifique, dépensant le montant minimal légal de leurs revenus – soit 5 % – afin d’assurer leur pérennité. Les seconds rompent avec ces pratiques en créant des structures de leur vivant, prônent des dépenses plus importantes, fixent des objectifs précis avec une obligation de résultat et sont eux-mêmes les porte-paroles de leur cause. Il y a chez eux une personnalisation du mécénat.

La philanthropie américaine semble plus active, plus riche et beaucoup plus visible que dans le reste du monde. Pour quelle raison ?

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L’explication est d’abord culturelle. Aux États-Unis, il y a une certaine méfiance de l’État omniprésent. La tradition protestante encourage l’enrichissement mais impose moralement aux riches un devoir de redistribution. En Europe, cette dernière est considérée comme relevant de l’État providence. Dans la tradition catholique, par ailleurs, la richesse ne s’expose pas. On méconnaît les engagements importants des fondations européennes : qui sait qu’en France la fondation Bettencourt Schueller a une dotation de 800 millions d’euros, et la fondation Daniel et Nina Carasso de 500 millions ?

Les nouvelles générations s’engagent de plus en plus dans des actions philanthropiques.

Les Chinois sont très impliqués dans l’économie africaine. Des fortunes se sont bâties sur les grands chantiers du continent. Pratiquent-ils aussi le mécénat ?

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Oui, mais on en parlait moins jusqu’à présent. Depuis 2012, le journal Hurun publie chaque année un classement des philanthropes chinois. Jack Ma, le président et fondateur du site Alibaba, est le plus connu. Citons aussi le Hongkongais Li Ka-Shing, propriétaire de l’entreprise française Marionnaud. Leurs actions sont plutôt locales. À l’international, elles passent essentiellement par le biais des entreprises. Mais les nouvelles générations s’engagent de plus en plus dans des actions philanthropiques.

Les Américains sont souvent accusés de mélanger les genres. Business, politique, mécénat… Rien ne serait fait de manière totalement désintéressée…

On pourrait argumenter qu’il est rationnel pour un entrepreneur philanthrope, désireux d’avoir un réel impact social, de cibler une cause en lien avec l’activité qu’il maîtrise… Il faudrait plutôt s’attacher à distinguer les fondations qui font de la politique partisane de celles qui poursuivent des objectifs d’intérêt général en activant des leviers politiques, comme celle de l’entrepreneur américain et ancien ministre adjoint aux Transports et à l’Administration Edward Scott, que nous avons récompensé cette année lors du 9e prix BNP Paribas de la philanthropie individuelle. Nous pouvons aussi citer le Soudanais Mo Ibrahim, dont la fondation s’attache à promouvoir la bonne gouvernance en Afrique.

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