Brésil : les défis sécuritaires des Jeux Olympiques de Rio

Du 5 au 21 août, 10 500 athlètes et 500 000 touristes afflueront dans l’une des villes les plus violentes du monde. Assurer leur sécurité ne sera pas une sinécure.

Rio de Janeiro,
avril 2013. Sous
les yeux du Christ Rédempteur,
une unité des forces
spéciales
à l’entraînement. © O Globo/ZUMA/REA

Rio de Janeiro, avril 2013. Sous les yeux du Christ Rédempteur, une unité des forces spéciales à l’entraînement. © O Globo/ZUMA/REA

Publié le 1 août 2016 Lecture : 5 minutes.

Des passants posent devant les anneaux olympique à la plage de Copacabana à Rio, le 31 juillet 2016. © Felipe Dana/AP/Sipa
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JO de Rio 2016 : faites vos Jeux !

Du 5 au 21 août, le monde entier aura les yeux fixés sur la mégapole brésilienne, où se tiendront les XXXIes Jeux olympiques d’été.

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«Ce n’est pas vraiment l’accueil auquel s’attendaient les touristes venus visiter Rio de Janeiro, fin juin. Ce jour-là, policiers et pompiers manifestaient à l’aéroport international. Sur de grandes banderoles noires, ils avaient inscrit ce message : « Nous ne sommes pas payés, ceux qui viendront à Rio ne seront donc pas en sécurité. Bienvenue en enfer ! » À quelques semaines de l’ouverture des Jeux olympiques, l’image a fait le tour du monde et révélé l’ampleur de la crise brésilienne.

Les protestations s’enchaînent dans le public

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Comme tous les fonctionnaires de l’État de Rio, les policiers protestent contre les retards dans le paiement de leurs salaires et contre les coupes budgétaires. « Nous devons tout acheter nous-mêmes : eau minérale, ramettes de papier, papier hygiénique… Même les munitions ont été réduites de moitié, et nous manquons d’essence pour nos voitures. Difficile de travailler dans ces conditions ! » s’insurge Camila, inspectrice et membre du syndicat Sinpol. De même, hôpitaux, universités et écoles sont en grève et l’institut médico-légal ne fonctionne plus.

La chute des cours du pétrole et la récession économique ont plongé l’État de Rio dans un effroyable marasme. L’ampleur de la crise est telle que, à la mi-juin, Francisco Dornelles, le gouverneur par intérim, a décrété l’« état de calamité publique ». Le gouvernement fédéral a certes versé plus de 870 millions de dollars (790 millions d’euros) pour permettre d’éponger les retards de salaires, mais les policiers ne sont pas dupes : « Ils nous ont payés pour qu’on ne manifeste pas pendant les Jeux, mais nous sommes très inquiets pour la suite », explique Camila.

De la violence au quotidien

En attendant, les flics de Rio parent au plus pressé dans cette ville, qui est l’une des plus violentes du monde. Les agressions s’y multiplient et plusieurs athlètes, notamment un paralympique australien, ont déjà été dévalisés. Plus alarmant encore : depuis le mois de janvier, 2 083 personnes ont été tuées. L’augmentation est de 14 % par rapport à l’année précédente.

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Les découvertes macabres font régulièrement la une des journaux, à l’image de ce corps découpé en morceaux retrouvé, fin juin, sur la plage de Copacabana. L’hebdomadaire Veja titrait récemment : « Un week-end à Rio : un mort toutes les deux heures ». Ses reporters ont suivi une équipe de policiers pendant tout un week-end. Bilan : 27 assassinats, 19 échanges de tirs et 7 agressions.

L’échec des politiques mises en place pour tenter de contenir la violence est patent. La prétendue pacification des favelas en est le meilleur exemple. En 2008, l’État a entrepris de reprendre le contrôle de ces immenses bidonvilles qui gangrènent la ville, d’en déloger les narcotrafiquants et d’y développer une politique dite de proximité. Huit ans plus tard, les trafiquants sont revenus, la guerre des gangs fait rage et les exactions policières scandalisent les habitants.

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Un commandant témoigne, anonymement : « Quand je suis entré dans la police pacificatrice, je pensais vraiment qu’on réussirait à améliorer la vie des habitants des favelas. Mais ça ne marche pas, parce que les politiques sociales promises n’ont jamais été mises en place. » À ce jour, 38 favelas sur 1 000 sont occupées par les « pacificateurs ».

Rio, prochaine cible de Daech ?

Et puis il y a la menace terroriste. Une nouveauté pour le Brésil, qui n’a jamais connu d’attentat de grande ampleur et s’est toujours tenu à l’écart de la guerre contre l’État islamique. Mais, en organisant le plus grand événement sportif de la planète, il devient, qu’il le veuille ou non, une cible. Début juillet, Alexandre de Moraes, le ministre de la Justice, avait estimé qu’une attaque jihadiste pendant les Jeux était « une possibilité », mais « pas une probabilité ». Depuis les attentats de Nice, le 14 juillet, le ton a changé.

Responsable du renseignement, Sérgio Etchegoyen a annoncé une « révision » des mesures de sécurité. Psychose ? Pas vraiment. Début juillet, la France a été informée d’un projet d’attentat contre ses athlètes. Et quid de Jihad Ahmed Diyab, cet ancien détenu de Guantanamo dont on a depuis perdu la trace et qui pourrait se trouver sur le sol brésilien ? Pour assurer la sécurité, 85 000 hommes seront mobilisés pendant les JO. Et des hommes du Raid, une unité d’élite de la police française, entraînent depuis plusieurs mois leurs collègues brésiliens.

Cette menace jihadiste est telle qu’on en viendrait presque à oublier le terrible Aedes aegypti, ce moustique transmetteur du virus zika qui a déjà frappé 1,5 million de Brésiliens. L’OMS déconseille aux femmes enceintes de se rendre au Brésil, le virus étant fortement soupçonné de provoquer des microcéphalies chez les nourrissons.

La menace Zika demeure

Dans une interview à la chaîne américaine CNN, Eduardo Paes, le maire de Rio, a jugé ces inquiétudes exagérées : « Si vous êtes américain, n’allez surtout pas en Floride, car il y a davantage de cas recensés dans cet État qu’à Rio », a-t-il ironisé. Reste que, par crainte du virus, plusieurs sportifs de haut niveau ont déjà annulé leur venue. C’est le cas du golfeur australien Jason Day, numéro un mondial.

Comparés à ces fléaux, les problèmes de transport paraissent presque secondaires. Et pourtant… À quelques semaines de l’ouverture des Jeux, la ligne 4 du métro fait l’objet de toutes les attentions. Ses 16 kilomètres de voies reliant le très chic quartier d’Ipanema au village olympique sont essentiels au bon déroulement des compétitions.

L’ouvrage devant être livré le 1er août, cinq jours avant la cérémonie d’ouverture, un millier d’ouvriers y travaillent jour et nuit, ce qui signifie que la nouvelle rame ne pourra être testée avant sa mise en service. Ce retard est essentiellement dû à la mauvaise gestion des ressources financières : le coût du métro a presque doublé entre le début et la fin de sa construction !

Chacun sait que les Brésiliens ont le sens de la fête. Mais, cette fois, ils ont un peu la tête ailleurs. C’est que la crise frappe de plein fouet les foyers les plus modestes, et jusqu’aux classes moyennes. Le coût de la vie a explosé et les aliments de base deviennent inaccessibles.

Sur le plan politique, ce n’est guère plus reluisant. Michel Temer, le président par intérim, bat des records d’impopularité, et Dilma Rousseff, aujourd’hui écartée du pouvoir, est en attente de son procès pour diverses incongruités fiscales. Quant au maire de Rio, il n’a pas caché dans une récente interview à l’Agence France Presse sa hâte d’en finir avec les JO. Quand les lampions seront éteints, il promet de prendre « une cuite » mémorable en dansant la samba, avant de prendre une année sabbatique !

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