Tunisie : Youssef Chahed, l’inconnu de la Kasbah

Qui est Youssef Chahed ? Un ingénieur agronome entré en politique il y a seulement cinq ans. Portrait.

À 40 ans, il a déjà été ministre de la Pêche puis des Affaires locales. © Ons Abid

À 40 ans, il a déjà été ministre de la Pêche puis des Affaires locales. © Ons Abid

Publié le 12 août 2016 Lecture : 3 minutes.

Il a une allure de premier de la classe, mais personne n’aurait parié, il y a seulement quelques mois, sur l’ascension fulgurante de Youssef Chahed. À seulement 40 ans, le petit-fils de Radhia Haddad, première femme députée tunisienne, est le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire du monde arabe. Un fait suffisamment marquant pour que les Tunisiens, qui regrettaient que le changement de régime n’ait pas rajeuni la classe politique, le comparent au Canadien Justin Trudeau (44 ans) ou à l’Italien Matteo Renzi (41 ans).

Une entrée en politique récente

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Reste qu’avec son parcours politique d’à peine cinq ans, rien ne dit que Chahed soit du même acabit. Venu à la politique en 2011 en créant un petit parti, La Voix du centre, il a rejoint Al-Joumhouri à la faveur d’une fusion avant de rallier Nidaa Tounes, fondé par Béji Caïd Essebsi (BCE), en 2013. Il devra faire ses preuves, notamment pour rétablir l’autorité de l’État et démarrer les réformes.

« Il a les compétences nécessaires. Avoir mis un jeune en avant est un signe d’optimisme », se réjouit le chef de l’État. Toutefois, ce n’est pas au seul facteur de l’âge que le nouveau patron de la Kasbah doit son poste. Très discret au point que rares sont ceux qui le reconnaîtraient dans la rue, Youssef Chahed ne manque pas d’assurance et il l’a prouvé dès sa première allocution, dans laquelle il présentait ses objectifs – du moins ceux fixés par le document de Carthage établissant le programme du gouvernement d’union nationale et signé par neuf partis et trois organisations syndicales.

Après avoir réussi son premier oral, le chef de l’exécutif doit maintenant choisir son équipe et composer avec les partis. Mais en marge des consultations qu’il a lancées, il impulse déjà une accélération avec trois groupes de travail chargés de faire le bilan de l’État et de suivre la préparation du budget 2017. Homme méthodique et travailleur acharné, Youssef Chahed saura-t-il surmonter la léthargie de l’administration pour relancer l’économie du pays ?

Des actions significatives

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Issu d’une lignée de notaires et de juristes originaires de Kairouan, Chahed a été secrétaire d’État à la Pêche en 2015 puis ministre des Affaires locales jusqu’à sa récente nomination. Au cours de ces deux missions, ses résultats ont été concrets. Médiatisé pour avoir fait remettre à l’eau des tortues marines, il a surtout élaboré une stratégie afin de préserver les ressources halieutiques, de réhabiliter les infra­structures et de mettre en place des moyens de contrôle du secteur de la pêche.

 Il préfère aller sur le terrain, constater par lui-même et élaborer des projets

Au niveau des collectivités locales, en six mois, il a réalisé un nouveau découpage territorial et créé 61 municipalités permettant d’intégrer près de 3 millions de Tunisiens jusque-là sans attaches administratives ; il travaillait par ailleurs sur la préparation des élections municipales, sur le code des collectivités locales et sur la décentralisation.

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« Il préfère aller sur le terrain, constater par lui-même et élaborer des projets en groupe », rapporte l’un de ses anciens collaborateurs. Ingénieur agronome formé à Tunis puis à Paris, Chahed a connu un double parcours professionnel.

Enseignant à l’Institut supérieur d’agriculture en France, il a aussi participé, en tant qu’expert en politiques agricoles, à la supervision de projets et au développement des échanges entre la Tunisie et les États-Unis, de 2003 à 2015, en étroite collaboration avec la Food and Drug Administration et l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid).

Cela suffit pour que ses détracteurs l’accusent d’être libéral et pro-OGM, alors que d’autres persiflent à propos d’un lointain lien de parenté avec BCE. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne se connaissaient avant que Chahed intègre Nidaa Tounes et devienne un homme de confiance du chef de l’État.

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