Plan de développement tunisien : le pays se prépare à un redécollage imminent

Au vu de ses objectifs et des moyens envisagés, le plan de développement que le gouvernement s’apprête à activer a tout d’un programme de redressement accéléré.

Le port commercial de Radès, en Tunisie. © Nicolas Fauqué/www.imagesdetunisie.com

Le port commercial de Radès, en Tunisie. © Nicolas Fauqué/www.imagesdetunisie.com

Publié le 16 novembre 2016 Lecture : 5 minutes.

Tunis, le 10 juillet 2015. © Sophia Barakat pour JA
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Tunisie : en quête de confiance

Loué pour le succès de sa transition démocratique, le pays n’a guère été soutenu sur le plan financier. Et sa situation économique est désormais très difficile. Pour accélérer la reprise, les 29 et 30 novembre, il organise une conférence internationale destinée à rassurer et à réveiller les investisseurs.

Sommaire

Depuis la chute du régime Ben Ali, en 2011, la Tunisie a navigué à vue à renfort de lois de finances amendées par des textes complémentaires réaffectant les ressources en cours d’exercice. Instabilité politique et manque de temps n’ont pas permis aux neuf gouvernements qui se sont succédé d’avoir les coudées franches pour donner un nouveau cap au pays.

Le plan de développement 2016-2020, sans être un plan quinquennal classique, y remédie : il établit d’abord un diagnostic, puis propose un ensemble de réformes et de chantiers à même de remettre le pays, désormais « entré en démocratie », sur les rails de la croissance. Les deux premières années seront consacrées à une relance graduelle de l’activité économique, pour un véritable redécollage attendu à partir de 2018.

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Document de référence pour la conférence internationale d’appui au développement économique des 29 et 30 novembre, ce plan 2016-2020 identifie plus de 50 projets structurants pour stimuler les investissements nationaux et étrangers, dont la réalisation devrait créer 400 000 emplois.

C’est autour de ces projets et de domaines clés allant de la logistique à l’économie verte, en passant par le numérique, que le gouvernement entend mobiliser au moins 125 milliards de dinars (60 milliards de dollars) d’investissements sur cinq ans, dont 40 % financeront des projets portés par l’État et par les entreprises publiques.

L’un des principaux objectifs est de corriger les faiblesses du pays en matière de gouvernance et d’entamer une mutation économique pour juguler les disparités régionales, résorber le chômage, lutter contre la précarité et retrouver une position à l’international, en s’appuyant – « un peu trop », selon certains observateurs – sur la discrimination positive.

Cependant, dans sa lecture critique du plan, Salma Zouari, professeure d’économie à l’Institut des hautes études commerciales (IHEC), souligne que le schéma de développement qu’il porte ne révèle pas « une nette transformation de l’appareil productif vers des secteurs à forte valeur ajoutée » et ne sera pas en mesure de créer « des emplois de qualité en nombre suffisant pour répondre aux aspirations des diplômés du supérieur ».

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Le plan est articulé autour de cinq axes prioritaires : une réforme de l’administration pour instaurer une bonne gouvernance et lutter contre la corruption, le passage d’une économie à faible coût à une économie à forte valeur ajoutée, le développement humain et l’inclusion sociale, une décentralisation bien structurée pour une gouvernance locale et régionale efficace et, enfin, le développement de l’économie verte.

Au niveau des équilibres financiers, l’objectif est de réduire le déficit courant de 8,5 % du PIB en 2015 à 6,8 % en 2020, un niveau qui reste relativement élevé et suppose à la fois un solide soutien à l’exportation et une augmentation considérable des importations pour accompagner l’effort d’investissement.

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Et, côté business, l’avancement dans l’exécution des grandes réformes – parmi lesquelles la modernisation de l’administration, la révision du système des marchés publics, la promulgation du nouveau code d’investissement, la poursuite de la réforme fiscale et de celle du secteur financier, ainsi que l’adoption d’une politique volontaire pour stimuler les partenariats public-privé – devrait contribuer à une réelle amélioration de l’environnement des affaires.

Économie numérique et entrepreunariat

Objectif : hisser la part des secteurs à contenu technologique élevé à 30 % du PIB, contre 20 % en 2015.

L’investissement dans l’économie du savoir repose essentiellement sur la mise en place d’une infrastructure numérique permettant la connexion à haut débit pour les foyers, les entreprises et les services publics, le développement du numérique commercial (e-commerce) et la numérisation au sein des départements gouvernementaux (e-gouvernement). Ce développement est assorti de la modernisation des infrastructures de télécommunications et de mesures incitatives à l’intention des nouvelles entreprises du secteur à même d’innover et de créer de la valeur ajoutée en matière de TIC.

Industries exportatrices

Objectif : faire décoller les exportations de biens et services, pour qu’elles atteignent une croissance de 6 % en 2020 (contre – 0,7 % en 2015) et contribuent à plus de 40 % du PIB.

Pour s’intégrer dans l’économie mondiale et réduire le déséquilibre de sa balance commerciale, le pays doit augmenter le rythme de ses exportations, en particulier dans l’agroalimentaire, les industries automobile, aéronautique, textile et pharmaceutique. Une évolution qui dépendra cependant de la demande des marchés internationaux et qui exige que la capacité d’exportation soit ajustée à la croissance des marchés cibles.

Transport et logistique

Objectif : maîtriser les coûts afin de les ramener à 15 % du PIB, contre 20 % en 2015.

Première étape pour devenir une plateforme logistique performante : le développement des infrastructures, avec l’extension des autoroutes et des voies rapides, de 420 km aujourd’hui à 1 200 km en 2020, ainsi que du réseau ferroviaire urbain et « intercités », notamment pour assurer les liaisons entre Tunis et les gouvernorats de l’intérieur et du Sud. Autre enjeu de taille : la faisabilité et la réalisation du port en eau profonde d’Enfidha (entre Hammamet et Sousse).

Développement humain

Objectif : allouer au minimum 20 % du PIB aux dépenses et aux transferts sociaux, réduire le taux de pauvreté de 4,6 % en 2015 à 2,5 % à l’horizon 2020 et éradiquer la précarité.

Éducation, santé, habitat, cadre de vie, mais aussi culture et sport… Le développement humain est l’un des domaines les plus larges, les plus sensibles, mais aussi les plus porteurs du plan quinquennal 2016-2020 pour résorber les disparités sociales et régionales. Il met l’homme et l’amélioration des conditions de vie des générations à venir au cœur du développement. Parmi les priorités : la révision du système de santé et des pensions, la construction de 100 000 logements sociaux et la réhabilitation de quartiers populaires, l’accès à la culture et au sport…

Économie verte

Objectif : augmenter la part du renouvelable dans le mix énergétique à 12 % en 2020 (contre 3 % en 2015), augmenter le rendement du réseau d’eau potable à 80 % (contre 72 %) et faire en sorte qu’il desserve plus de 95 % de la population en milieu rural, recycler au moins 50 % des déchets.

Face au stress hydrique, aux changements climatiques, à l’avancée du désert et à l’expansion urbaine (lire tribune ci-dessous), sans parler des dégradations et du laisser-aller considérables observés ces dernières années en matière de déchets, de pollution et de construction, la Tunisie doit inscrire les impératifs environnementaux, de gestion durable et équitable parmi ses priorités de développement (humain, économique et territorial). F.D.

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