Tunisie : le printemps électro de Emel Mathlouthi

Icône musicale du printemps arabe, la jeune Emel Mathlouthi délivre un album d’un genre nouveau et apporte un nouveau souffle révolutionnaire, dans la musique cette fois.

Emel Mathlouthi, lors du concert pour le prix Nobel de la paix à Oslo, en Norvège, le 11 décembre 2015. © Terje Bendiksby/AP/SIPA

Emel Mathlouthi, lors du concert pour le prix Nobel de la paix à Oslo, en Norvège, le 11 décembre 2015. © Terje Bendiksby/AP/SIPA

leo_pajon

Publié le 24 mars 2017 Lecture : 2 minutes.

Janvier 2011. Au milieu d’une foule de centaines de manifestants sur l’avenue Bourguiba à Tunis, une femme se lève. Manteau rouge, bougie en main, visage juvénile, Emel Mathlouthi entonne un chant a cappella qui transperce l’âme, « Kelmti Horra » (« ma parole est libre »). L’interprète, filmée pendant sa performance, accède malgré elle au rang d’icône du Printemps arabe. Et sa chanson, écrite par son ami Amine El Ghozzi, écoutée et partagée des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, devient l’hymne des révoltés.

Six ans plus tard, Emel Mathlouthi fait une nouvelle fois la révolution, dans sa musique. Exilée à New York, jeune maman, la musicienne en pleine mue a planché pendant trois ans sur un deuxième album passe-murailles baptisé Ensen (« humain ») qui se joue des codes.

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« Je refuse d’intégrer des ornementations orientales pour satisfaire au besoin d’exotisme du public occidental, souligne-t-elle. Il y a une jeunesse arabe fantastique, curieuse, qui a soif de créations modernes, de mélange. J’ai moi-même grandi en écoutant du métal, du trip-hop, mais aussi de la musique classique européenne : Beethoven, Vivaldi, Mozart… »

Mille univers confondus

La conception de l’album a pris trois ans. Trois ans pour trouver la bonne voie, en commençant par transcender cet héritage berbère au cœur de sa création. L’artiste est partie de percussions tribales, comme le tar, mais aussi d’un genre populaire considéré comme « décadent », le mezwed, musique pour boire, danser…

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Elle a elle-même enregistré des samples, échantillons de sons, de rythmes, qu’elle a découpés, modulés, passés par des dizaines de filtres et effets sur ordinateur pour construire son propre son.

Hypnotique

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C’est en puisant dans cette bibliothèque inventée qu’elle a ensuite composé, créant un univers dense où se catapultent zukra (flûte tunisienne), gongs, synthétiseurs, guitares saturées, oud et guembris (luths à trois cordes) passés à la moulinette électro. L’album a été enregistré avec des équipes variées dans sept villes différentes, dont Sousse, New York et Paris.

Pourtant, il est d’une remarquable unicité. Grâce notamment au chant, presque toujours en arabe, qui s’appuie sur des textes à la limite de l’abstraction, marqués par la poésie de l’Américano-Libanais Gibran Khalil Gibran.

Ensen est sombre, beau, hypnotique, et définitivement inclassable. Cette révolution-là, au moins, est gagnée.

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