« Sexe et mensonges » : au Maroc, des interdits qui se contournent ?

Acclamé et largement couvert par les médias français, le livre de Leila Slimani, « Sexe et mensonges », divise sur les réseaux sociaux.

Leila Slimani, auteure de « Sexe et mensonges ». © ActuaLitté/Flickr

Leila Slimani, auteure de « Sexe et mensonges ». © ActuaLitté/Flickr

leo_pajon

Publié le 31 octobre 2017 Lecture : 2 minutes.

Julile I Parktown, Johannesburg, 2016 © Zanele muholi, courtesy of Stevenson and Yancey Richardson
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Corps et sexualité : où en est l’Afrique?

Alors que l’affaire Harvey Weinstein a – en partie – libéré la parole des victimes de harcèlement et de violences sexuelles, Jeune Afrique se penche sur le regard que les artistes, écrivains, cinéastes ou plasticiens, portent sur le corps. Le leur, et celui des autres.

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Marocains ou Français d’origine marocaine, surtout, ont fait pleuvoir les critiques et, parfois, les insultes ou les remarques machistes. On a notamment accusé son auteure de pointer du doigt son pays d’origine sans rappeler que les Européennes, elles aussi, sont victimes d’oppression.

Selon Mehdi Alioua, enseignant et chercheur en sociologie à l’université internationale de Rabat qui travaille notamment sur les mouvements d’émancipation individuelle, c’est surtout la couverture médiatique, parfois simplificatrice, de son ouvrage qui a ému certains Marocains.

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« Il en est ressorti une vision éculée et misérabiliste de la sexualité dans le monde arabe, alors que même les sociologues n’ont pas vraiment de statistiques pour rendre compte de la réalité. »

Une réalité plus complexe 

Le chercheur ne met pas en cause le fond de l’ouvrage. « L’oppression sexiste, le contrôle social sont plus forts qu’en Europe, et la loi punit de manière sévère ceux qui, par exemple, ont des rapports sexuels hors mariage. Le livre décrit très bien les situations terribles qui découlent d’une législation qui n’est plus adaptée aux mœurs. »

L’oppression est plus souple qu’il n’y paraît

Mais, pour lui, il aurait également été intéressant de montrer comment les couples contournent, aujourd’hui, les interdits pour s’aimer malgré tout. « Les jeunes vont à l’école ensemble, se fréquentent dans la rue, s’invitent les uns chez les autres souvent avec l’assentiment de leurs parents… L’oppression est plus souple qu’il n’y paraît. »

La société marocaine en mouvement

Autre grief, le profil des témoins, dans l’ouvrage, est toujours sensiblement le même : des femmes célibataires d’un certain milieu social. S’il était important de faire entendre cette parole, le chercheur regrette qu’on n’ait pas laissé s’exprimer également des conservateurs, même modérés, qui auraient pu faire entendre un autre point de vue.

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« Je crois surtout que [Leïla Slimani] a suscité beaucoup de déception chez une partie de ses lecteurs marocains francophones, qui l’avaient mise sur un piédestal lors de la sortie de ses romans, conclut-il. Ils ont eu le sentiment que ce livre sur le Maroc ne leur était pas destiné, et qu’on s’adressait plutôt à un public français en lui disant ce qu’il avait envie ou était capable d’entendre. »

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