Géothermie : Djibouti à toute vapeur

Le pays, qui possède un fort potentiel géothermique, s’engage à utiliser des énergies renouvelables. Il multiplie les forages, avec le soutien financier de la communauté internationale.

Le gisement de Gaala-le-Koma, 
où devrait être construite une centrale de 15 MW d’ici à 2021. © ODDEG

Le gisement de Gaala-le-Koma, où devrait être construite une centrale de 15 MW d’ici à 2021. © ODDEG

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Publié le 22 novembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Au palais présidentiel de Haramous, à Djibouti, le 28 février. Ismaïl Omar Guelleh est entouré de ses homologues Hassan Cheikh Mohamoud (Somalie), Uhuru Kenyatta (Kenya) et Hailemariam Desalegn (Éthiopie). © VINCENT FOURNIER/J.A.
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À Djibouti, on n’a pas de pétrole mais des énergies renouvelables à profusion. Pour ne plus avoir à dépendre d’un or noir importé à 100 % puis, ces dernières années, d’une électricité éthiopienne qui répond à 70 % de sa consommation, la petite République a décidé de passer au vert pour devenir le premier pays africain à utiliser une énergie à 100 % renouvelable. Et si possible rapidement, c’est‑à-dire à l’horizon 2035.

L’objectif peut sembler démesuré, mais la persévérance qu’ont montrée les autorités du pays ces vingt dernières années pourrait être récompensée. Malgré son taux d’ensoleillement parmi les plus élevés du monde, le pays n’a fait qu’effleurer son potentiel dans le solaire. Idem pour l’éolien, dont les quelques tentatives n’ont pas dépassé les murs du Centre d’étude et de recherche de Djibouti (Cerd).

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Il est cependant beaucoup plus avancé dans le domaine de la géothermie. Au point de disposer aujourd’hui d’une équipe d’experts parmi les plus reconnus du continent, avec les Kényans. L’un d’eux, le Dr Kayad Moussa Ahmed, est aujourd’hui directeur général de l’Office djiboutien de développement de l’énergie géothermique (Oddeg), l’organisme créé par les pouvoirs publics en 2013 pour gérer l’ensemble des projets de recherche sur cette source d’énergie. Avec un objectif en tête : « Fournir le premier mégawatt au réseau en 2020 », affirme-t-il.

Projet Assal-Fiale

En équilibre sur la pointe nord du rift africain, Djibouti est assis sur une fournaise dont les vapeurs pourraient lui permettre de produire « 5 000 MW sur la vingtaine de sites aujourd’hui répertoriés sur le territoire », assure le spécialiste, qui, pour mémoire, rappelle que « la capacité énergétique nationale actuelle est de 120 MW ». Même si le potentiel géothermique a semblé suffisamment évident à tout le monde pour que les premières recherches soient menées dès le début des années 1970, l’identification, puis l’extraction, de ces fumerolles n’ont en revanche rien d’un long fleuve tranquille.

IOG est persuadé que le futur énergétique du pays se trouve dans son sous-sol

Entre les premières tentatives du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), menées dès 1972, et les promesses que fait naître aujourd’hui le projet Assal-Fiale, situé à quelques encablures seulement, les experts français, italiens, américains, islandais, turcs et japonais qui se sont succédé aux côtés des Djiboutiens ont multiplié les allers-retours entre les deux lacs salés du pays, Assal et Abbé, avant de s’installer non loin du Goubet.

Si les premières campagnes de forage sont encourageantes, les recherches s’arrêtent en 1987 faute de résultats et de combattants. Il faut attendre 1999 et l’arrivée au pouvoir d’Ismaïl Omar Guelleh (IOG) pour que le pays retente sa chance, sous la responsabilité des Djiboutiens eux-mêmes et sous le haut patronage du chef de l’État. Impressionné par un essai auquel il avait assisté dans les années 1980, IOG est persuadé que le futur énergétique du pays se trouve dans son sous-sol.

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Le financement

Dès 2007, il constitue une équipe de spécialistes qu’il réunira six ans plus tard au sein de l’Oddeg. En 2016, devant le manque d’enthousiasme des bailleurs de fonds, c’est encore lui qui prend la décision de débloquer 2 millions de dollars (1,9 million d’euros) pour démarrer les recherches sur le site de Gaala-le-Koma, identifié par l’Oddeg d’après les études réalisées dans le passé par le BRGM.

Il vient de recevoir 27 millions de dollars de la part du Fonds koweïtien pour le développement (FKD)

Là où les Français fouillaient le lac Assal à plus de 1 000 m de profondeur, les ingénieurs locaux se sont contentés de forer entre 300 et 600 m et sont tombés sur un réservoir géothermique intermédiaire, d’une température de 140 °C, « qui fait naître l’espoir d’avoir trouvé une ressource exploitable », explique Kayad Moussa Ahmed.

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D’autant qu’il vient de recevoir 27 millions de dollars de la part du Fonds koweïtien pour le développement (FKD) et attend un montant identique du Fonds arabe pour le développement économique et social (Fades) pour démarrer les forages de production et construire une centrale géothermique de 15 MW d’ici à 2021.

Campagnes de forages

Située à 3 km du Goubet, celle-ci doit participer à l’alimentation du complexe portuaire en cours de réalisation. Pour cette nouvelle phase, l’Oddeg pourra compter sur une foreuse de 125 tonnes, toute neuve, livrée par la Turquie. L’Office va lancer une campagne de huit forages qui, ensemble, pourraient produire entre 10 et 15 MW. « Avec un potentiel, à confirmer, d’une centaine de mégawatts », précise son directeur général.

L’entrée en production est attendue pour 2018 sur un réservoir identifié de 50 à 100 MW

Et ce n’est pas le seul projet en cours à Djibouti. Le plus avancé est aujourd’hui celui d’Assal-Fiale, engagé par IOG en 2007 après une visite en Islande. Le temps de digérer la crise financière qui a placé le pays en faillite et le projet peut démarrer en 2012, avec le soutien financier des bailleurs de fonds, l’expertise américaine et le matériel islandais. L’entrée en production est attendue pour 2018, sur un réservoir identifié de 50 à 100 MW.

Un troisième programme de forage doit également démarrer sur le site de Hanle-Garabayis, près du lac Abbé, en 2019, avec l’aide du Japon cette fois, qui prend à sa charge 80 % des coûts. Un programme de prospection lancé sur fonds émiratis doit enfin démarrer dans la région d’Arta. Les investissements à réaliser sont à la hauteur des risques pris pour bien identifier la ressource : énorme pour un pays comme Djibouti, qui espère bien suivre la voie ouverte en Afrique par le Kenya – qui injecte 500 MW dans son réseau ­– sans devoir aller chercher l’appui des Chinois. Pour une fois.

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