RDC : Corneille Nangaa, le gardien du calendrier électoral

Réputé proche de Joseph Kabila, le président de la commission électorale a longtemps été accusé par l’opposition d’user de toutes les ruses pour retarder les élections.

Le 5 novembre, il a annoncé que les scrutins se tiendraient le 23 décembre 2018. © JOHN WESSELS/AFP

Le 5 novembre, il a annoncé que les scrutins se tiendraient le 23 décembre 2018. © JOHN WESSELS/AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 14 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

À Kinshasa, on l’appelle « Monsieur Peugeot » car son chiffre fétiche est le 504. « Après l’enrôlement des électeurs, il faudra 504 jours pour arriver au jour du scrutin », aime à dire Corneille Nangaa, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Le calcul est vite fait. La fin de l’enrôlement des électeurs étant prévue en janvier 2018, ce délai de 504 jours devrait obliger les citoyens congolais à patienter jusqu’en juin 2019.

Mais, surprise : le 5 novembre dernier, juste après le passage en RD Congo de Nikki Haley, l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Corneille Nangaa a annoncé que toutes les élections – présidentielle, législatives, provinciales et locales – auraient lieu le 23 décembre 2018. Le délai est donc ramené de 504 à 306 jours. « Tiens, encore un chiffre Peugeot », s’amusent les Kinois. « Par quel miracle est-on passé de 504 à 306 jours ? » demande malicieusement l’ancien Premier ministre congolais Samy Badibanga. Évidemment, personne n’est dupe. La mise en garde de Nikki Haley à Joseph Kabila est passée par là. Et Corneille Nangaa a dû mettre son cher « 504 » dans sa poche.

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Président de la Ceni

Depuis toujours, Corneille Nangaa est un homme de chiffres. Né il y a quarante-sept ans dans la province du Haut-Uélé, dans l’extrême nord-est du pays, ce diplômé en sciences économiques de l’université de Kinshasa a vite été repéré par l’abbé Malu Malu, le premier président de la Ceni, qui en a fait l’un de ses experts électoraux. Et quand il a fallu trouver un successeur à l’abbé, dont la santé déclinait, son nom s’est imposé naturellement. Mais Corneille Nangaa n’est pas seulement un brillant technicien.

La force de Corneille Nangaa, c’est son habileté à trouver mille raisons techniques pour que les Congolais ne votent pas dans les délais

C’est aussi un protégé de Mgr Pierre Marini Bodho, l’ancien président de l’Église du Christ au Congo, la principale rivale de l’Église catholique. Entre Joseph Kabila et Pierre Marini Bodho, le courant passe bien. Autant dire que le jour où les Églises protestantes, au grand dam de l’Église catholique, ont proposé Corneille Nangaa à la tête de la Ceni, le chef de l’État congolais a tout de suite donné son accord.

La force de Corneille Nangaa, c’est son habileté à trouver mille raisons techniques pour que les Congolais ne votent pas dans les délais. En novembre 2015, quand il prend les rênes de la Ceni, il ne lui reste plus qu’un an pour préparer la présidentielle et les législatives. À l’époque, pour la fourniture du matériel électoral (notamment pour l’enregistrement biométrique), la RD Congo s’apprête à signer un contrat de gré à gré avec la société belge Zetes.

Le « serviteur » du président Kabila

Le nouveau président de la Ceni change de pied et lance un appel d’offres que finira par remporter la société française Gemalto. Ce sont autant de mois gagnés pour justifier le « glissement » de la date des futures élections et permettre à Joseph Kabila de rester au pouvoir. Mais comme la nouvelle procédure est plus transparente, les parlementaires ne peuvent rien dire.

 Il arrive tout de même que Corneille Nangaa se fasse des ennemis

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À force d’habileté, il arrive tout de même que Corneille Nangaa se fasse des ennemis. En juillet dernier, quand il invoque les violences dans les provinces du Grand Kasaï pour renvoyer les élections aux calendes grecques, Félix Tshisekedi, l’un des ténors de l’opposition, le traite de « serviteur » de Joseph Kabila et l’accuse d’avoir « déclaré la guerre au peuple congolais ».

Autre figure de l’opposition, Martin Fayulu affirme que Corneille Nangaa « ne fait que suivre les instructions de son vice-président, Norbert Basengezi, qui est le vrai patron de la Ceni ». Basengezi est issu du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir). Ce 7 novembre, il s’est affiché aux côtés de Joseph Kabila, dans sa ferme de Kingakati, à l’occasion d’une réunion du PPRD. Or l’article 22 de la loi organique de la Ceni stipule que « les membres de la Ceni ne sollicitent ni ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité extérieure »…

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