En Côte d’Ivoire, la course à la présidentielle est lancée

À mi-parcours du second quinquennat, la course pour la présidentielle de 2020 est déjà lancée, qui fait naître rivalités et tensions jusqu’au plus haut sommet de l’État.

Alassane Ouattara à la tribune du 3e congrès du RDR à Abidjan, le 9 septembre. © AFP

Alassane Ouattara à la tribune du 3e congrès du RDR à Abidjan, le 9 septembre. © AFP

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Publié le 20 décembre 2017 Lecture : 5 minutes.

Alassane Ouattara en compagnie de Guillaume Soro à Abidjan le 4 décembre 2010 (photo d’illustration). © Thibault Camus/AP/SIPA
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Côte d’Ivoire : la présidentielle de 2020, c’est déjà demain

A moins de trois ans de l’échéance du deuxième mandat d’Alassane Ouattara les attentes sociales demeurent nombreuses. Et la classe politique est déjà centrée sur la prochaine présidentielle.

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La nuit est en train de tomber, ce mardi 31 octobre, lorsque la Mercedes noire d’Alassane Ouattara pénètre dans la propriété abidjanaise d’Henri Konan Bédié. Devant les flashs, les sourires sont appuyés. Même la pluie qui s’invite est de bon augure, dit-on. La rencontre a été minutieusement préparée par les proches des deux chefs.

Rien ne doit venir gâcher la mise en scène de la réconciliation entre le président du Rassemblement des républicains (RDR) et celui du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Cela fait alors plus de six mois que les deux hommes ne se sont pas vus. Six mois de crispations et d’incompréhension.

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Le contact a même été complètement coupé pendant plusieurs semaines. « L’année 2017 a été éprouvante », reconnaît ce soir-là Alassane Ouattara. À plusieurs reprises, le chef de l’État a confié sa colère et son agacement à son entourage : il regrette que la course à la présidentielle ait été lancée si tôt.

Alliances entre partis politiques

Encouragés par les difficultés sociales et les mutineries du début d’année, les appétits n’ont cessé de s’aiguiser et les alliances ont menacé de céder. Pour le président, les mots de trop ont été lâchés, en juin dans les colonnes de JA . « En 2020, le candidat du RHDP [Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix] sera issu de mon parti », assurait alors le « Sphinx de Daoukro », enjoignant à son « frère cadet » de respecter ses promesses.

Le RDR ne pourra néanmoins pas gagner sans son allié

Après avoir aligné le PDCI derrière Alassane Ouattara dès le premier tour en 2015, Henri Konan Bédié attend que le RDR fasse de même avec un candidat de son parti lors de la prochaine présidentielle. Un renvoi d’ascenseur supposé sur lequel le président Ouattara évite soigneusement de se prononcer publiquement.

Pourtant, en coulisse, les cadres du RDR ne se privent pas de multiplier les commentaires. « Un candidat en 2020, c’est bien, mais y a-t‑il seulement quelqu’un au PDCI qui ait une stature présidentielle ? » raille l’un. « En 2015, ils n’auraient pas fait plus de 20 %, leur alliance avec nous les a sauvés », s’exclame un autre. Le RDR ne pourra néanmoins pas gagner sans son allié.

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Multiples tensions

Éléphant de la politique ivoirienne et habile tacticien, Henri Konan Bédié sait que chacun de ses gestes est scruté. « Il est particulièrement difficile de lire dans son jeu », admet un diplomate établi à Abidjan. À force de bluff et de tâtonnements, une grande partie de poker menteur a ainsi débuté dans le pays.

Guillaume Soro à son arrivée à l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny, à Abidjan, le 22 octobre 2017. © Madia Toure

Guillaume Soro à son arrivée à l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny, à Abidjan, le 22 octobre 2017. © Madia Toure

L’entretien d’Alassane Ouattara avec Guillaume Soro, au palais présidentiel, a permis d’éviter l’escalade

Ainsi, alors que les relations de Guillaume Soro avec Alassane Ouattara se sont notoirement dégradées, les régulières visites du président de l’Assemblée nationale au chef du PDCI ont exaspéré dans les couloirs du palais présidentiel, où les tensions entre Guillaume Soro et son rival Amadou Gon Coulibaly, le Premier ministre – considéré comme le préféré du chef de l’État dans l’optique de 2020 –, ne sont plus un secret. « Ingrat » contre « déloyal », depuis plusieurs mois, les attaques fusent.

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Cependant, le 2 novembre, deux jours après la rencontre entre les chefs du RDR et du PDCI, l’entretien d’Alassane Ouattara avec Guillaume Soro, au palais présidentiel, a permis d’éviter l’escalade. « C’est la décrispation ! » répétaient à l’envi les communicants de part et d’autre. Sans cacher pour autant qu’il ne s’agit là que d’une façade. « Ouattara ne peut se passer de Soro pour l’instant, car le président de l’Assemblée nationale pourrait représenter une menace pour lui.

Présidentielle de 2020

À l’inverse, avec le rapprochement entre Ouattara et Bédié, Soro n’a plus d’espace politique et n’a d’autre choix, pour l’instant, que de rentrer dans le rang au sein du RDR », analyse un observateur étranger. De fait, si Soro a été nommé, mi-novembre, vice-président du parti présidentiel, ses proches assurent qu’il n’est pas question pour lui de renoncer à 2020. D’offensives sur les réseaux sociaux en animations de groupes de soutien, « le jeune homme » – comme l’a surnommé Ouattara – se prépare.

Soro et Gon Coulibaly au RDR, Kablan Duncan, Koffi Diby, Billon ou encore Niamien N’Goran au PDCI : au sein de la coalition au pouvoir, les candidats potentiels à la présidentielle de 2020 sont légion. Des ambitions d’autant plus nombreuses que peu d’entre ces prétendants envisagent que l’opposition soit capable de reprendre un poids suffisant d’ici à trois ans.

Affaibli par l’arrestation de son leader, Laurent Gbagbo, divisé par les luttes internes, le Front populaire ivoirien (FPI) est pourtant décidé à ne plus jouer les seconds rôles. Après l’aile du FPI dirigée par Pascal Affi N’Guessan, c’est celle emmenée par Aboudramane Sangaré (aile « Gbagbo ou rien »), qui a décidé de faire son retour dans le jeu électoral. Si elle veut s’assurer la présidence pour un nouveau quinquennat en 2020, la coalition au pouvoir va donc devoir s’efforcer de rester unie, raison pour laquelle elle a relancé son projet de « parti unifié ». Mais à peine sa création avait-elle été annoncée pour ce mois de décembre qu’elle a été reportée sine die.

D’un congrès à l’autre

Pour les trois partis dominant la vie politique ivoirienne, l’année prochaine s’annonce décisive dans la course à la présidentielle de 2020. Après le RDR, en septembre 2017, le PDCI et le FPI préparent l’un et l’autre leurs congrès pour 2018.

Au PDCI, plusieurs cadres laissent entendre que le rendez-vous sera l’occasion d’un vaste remaniement de la direction, avec un nouvel organigramme qui pourrait permettre de « mettre en orbite » le candidat du parti pour 2020.

La frange du FPI dirigée par Pascal Affi N’Guessan, qui avait annulé son congrès prévu en août 2017, promet également de le tenir courant 2018. De même que l’aile Sangaré du parti : trois ans après le congrès extraordinaire de Mama (qui avait remis Laurent Gbagbo à sa tête et exclu Affi N’Guessan), le camp des « Gbagbo ou rien » devrait cette fois se réunir à Moossou, la ville natale de Simone Gbagbo, dans la résidence de l’ex-première dame.

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