Paul Kagame impose sa méthode à l’Union africaine

Chargé de réformer l’UA, le chef de l’État rwandais prend la tête de l’institution. Et applique sa méthode. Certains adorent, d’autres moins.

À Kigali, en mai 2017. © Vincent Fournier/JA

À Kigali, en mai 2017. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 29 janvier 2018 Lecture : 4 minutes.

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Les enjeux du 30e sommet de l’UA : corruption, financement, gouvernance

L’organisation africaine entend accélérer sa réforme lors du sommet qui se tient en Éthiopie jusqu’au 29 janvier. Retrouvez tous nos articles sur ce 30e sommet, qui verra notammen t l’arrivée de Paul Kagame à la présidence de l’UA.

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Il suscite l’admiration autant qu’il agace. À Addis-Abeba, dans les coulisses du 30e sommet de l’Union africaine (28-29 janvier), l’arrivée du président rwandais à la tête de l’institution suscitait nombre de commentaires avant même qu’il ne prenne officiellement ses fonctions.

La « méthode Kagame » est au cœur de l’UA depuis ce mois de juillet 2016 où ses pairs l’ont désigné pour mener à bien les réformes que chacun appelle de ses vœux. Il aurait suffi, dit-on, qu’Idriss Déby Itno, à l’époque président en exercice, prononce son nom lors d’une réunion à Kigali, en marge du 27e sommet, pour qu’il fasse aussitôt l’unanimité.

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Il est vrai qu’en un peu moins de vingt-cinq ans l’ancien chef militaire a hissé son pays au rang des bons élèves en matière de gestion et de gouvernance. Le bilan est moins flatteur en ce qui concerne les libertés, l’ouverture démocratique et l’alternance politique, mais il n’a cure des critiques et, à l’UA, ces questions ne sont pas au centre des préoccupations.

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Kagame ? « Un grand homme » qu’on ne peut connaître qu’en allant « se balader dans les rues toutes propres de Kigali », s’enthousiasme un diplomate d’Afrique du Nord. « Chez nous, les résultats sont visibles. Logiquement, les membres de l’UA se sont dit que ce qu’il avait fait au Rwanda, il pouvait le faire sur le continent », affirme sans surprise Olivier Nduhungirehe, secrétaire d’État au ministère rwandais des Affaires étrangères.

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Un comité de pilotage au travail

Le dépoussiérage de l’UA a déjà commencé. Kagame a immédiatement mis sur pied un comité de pilotage. On y trouve son compatriote Donald Kaberuka, ancien ministre et ex-patron de la BAD, l’économiste camerounais Acha Leke et Carlos Lopes, qui fut secrétaire général de la commission économique pour l’Afrique des Nations unies.

Aucune des neuf personnalités de ce groupe d’experts n’est issue de l’Afrique du Nord, alors que l’organisation panafricaine a coutume de respecter un certain équilibre régional.« Le président Kagame n’a pas voulu ostraciser qui que ce soit, mais cette notion n’a pas été sa préoccupation première. L’essentiel, pour lui, c’est que le comité soit efficace », explique son entourage.

[Paul Kagame] ne supporte pas l’idée qu’un dossier s’enlise

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Pour s’en assurer, il réunit ses troupes chaque mois : parfois à l’occasion d’une réunion internationale (comme à la dernière Assemblée générale des Nations unies), à chaque sommet de l’UA (comme le 27 janvier à Addis), ou à Kigali, comme il y a trois semaines. Ces « débriefings » se déroulent toujours sur « convocation » du chef et durent six à huit heures, durant lesquelles tous les points de sa réforme sont abordés.

Les blocages sont évoqués, des solutions proposées. Lorsqu’il l’estime nécessaire, Paul Kagame n’hésite pas à intervenir lui-même auprès de ses homologues. À chaque sommet, Moussa Faki Mahamat, le président de la commission, se joint à la réunion.

Paul Kagame est donc fidèle à sa réputation. S’il n’a pas fait signer au personnel un « contrat de performance », comme il l’a fait au Rwanda avec tous les fonctionnaires, il ne supporte pas l’idée qu’un dossier s’enlise. On le dit pourtant « flexible » tant qu’une proposition qui « tient la route » est avancée.

Court-circuités

Afin d’accélérer l’adoption de certains points spécifiques, il a aussi instauré une nouvelle méthode. Plutôt que d’attendre les sommets, où sont d’abord consultés les représentants permanents, puis le conseil exécutif et enfin les chefs d’État, le président rwandais organise des séminaires avec ses pairs, au cours desquels des mesures sont symboliquement adoptées.

Le 7 janvier, il leur a fait parvenir une mise à jour du dossier, en leur demandant de le soutenir lors du sommet d’Addis. Il lui arrive aussi de dépêcher dans les capitales Louise Mushikiwabo, sa ministre des Affaires étrangères.

Les lourdeurs administratives de l’UA lui déplaisent. Résultat : certains représentants permanents ne cachent plus leur irritation d’être ainsi court-circuités. Mais c’est aussi, pour lui, une manière de maîtriser la communication. En limitant le nombre de documents en circulation, il évite les fuites et se met à l’abri des pressions.

Il ne veut pas d’une présidence de routine, il veut être performant

Sa présidence de l’UA sera-t-elle du même acabit ? Dans l’entourage de Moussa Faki Mahamat, on minimise : « Cette élection est cérémonielle. Comme tous ses prédécesseurs, il n’aura pas de bureau à l’UA. Il n’y a eu aucune préparation particulière. »

Côté rwandais, le son de cloche est forcément différent : « Il ne veut pas d’une présidence de routine, il veut être performant. » Et du côté des diplomates : « Nous avons confiance en lui, l’UA a besoin d’être dynamisée. »

Loin d’être isolé

Au sein de l’hémicycle, Kagame pourra compter sur le soutien de plusieurs de ses homologues : Hailemariam Desalegn, le Premier ministre éthiopien (les liens avec l’Éthiopie remontent à l’époque où le Front patriotique rwandais était dans le maquis), Ali Bongo Ondimba et Faure Gnassingbé.

Ses relations sont bonnes avec Macky Sall et Alpha Condé, pragmatiques avec Joseph Kabila. Quant à l’arrivée de João Lourenço à la tête de l’Angola, elle a visiblement réchauffé les relations entre Kigali et Luanda.

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