Distribution d’eau : des projets en quête d’investisseurs

En ville comme en zone rurale, la production et la distribution d’eau potable nécessitent de nouveaux équipements. Mais l’enjeu consiste à les financer et, surtout, à les entretenir.

Chantier de canalisation d’eau potable pour la ville d’Abidjan. Mars 2016. © Jacques Torregano pour JA

Chantier de canalisation d’eau potable pour la ville d’Abidjan. Mars 2016. © Jacques Torregano pour JA

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 14 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Des habitants de Cape Town remplissent des bidons à partir d’une source d’eau naturelle, février 2018, Afrique du Sud. © Halden Krog/AP/SIPA
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Quels investissements pour l’accès à l’eau ?

L’accès à l’eau potable est l’un des enjeux majeurs de l’Afrique du 21e siècle. Alors que l’urbanisation appelle à davantage de capacités de production et de distribution, une des priorités pour les grandes entreprises est souvent la réparation des installations.

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Garantir à toute la population africaine un accès à l’eau potable, à un coût abordable, d’ici à 2030… C’est l’un des objectifs de développement durable les plus ambitieux assignés au continent. Car comme le rappelait l’an dernier le Joint Monitoring Programme de l’Unicef et de l’Organisation mondiale de la santé, en 2015, près d’un Africain sur deux n’avait toujours pas accès à un service élémentaire d’approvisionnement en eau.

Alors que le continent dispose de 5 000 milliards de m3 dans ses nappes phréatiques, 319 millions d’habitants souffraient toujours d’un manque d’accès à cette ressource. Et, à la même période, seulement 24 % des habitants des zones rurales disposaient d’une eau non contaminée. Au regard du manque d’infrastructures et de fonds disponibles, l’objectif fixé pour 2030 semble encore hors de portée.

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Des solutions abordables pour les habitants

Quand les secteurs industriels et agricoles nécessitent de grandes ressources en eau pour se développer, l’urbanisation appelle à davantage de capacités de production et de distribution. « Ce qui exige, d’un point de vue technique, de trouver des terrains dans des villes où les droits fonciers sont souvent fragiles voire inexistants, d’enfouir des conduites d’eau sans trop gêner la circulation, d’assurer une bonne gestion des ressources et de mieux collecter les eaux usées », indique Jochen Rudolph, responsable de l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural à la Banque africaine de développement (BAD).

Une des priorités pour les grandes entreprises est de réduire les trop nombreuses déperditions d’eau, précise Jochen Rudolph

« Il faut construire des projets économiquement viables, en misant sur une politique de tarifs abordables pour la population », explique Marie-Ange Debon, directrice générale adjointe chargée de la division internationale de Suez – déjà présent à Ouagadougou, à Bamako, à Nairobi ou encore à Dar es-Salaam.

Des projets qui réclament des investissements importants que les États ne sont pas en mesure d’assumer seuls. Il leur faut donc se tourner vers des bailleurs de fonds institutionnels internationaux. « Beaucoup trop de projets sont encore orphelins, ne disposant pas de financement », regrette Marie-Ange Debon.

Projet ambitieux au Cameroun

À Yaoundé, 650 millions d’euros seront pourtant mis sur la table pour moderniser les installations actuelles de la ville, pour rendre celles-ci fonctionnelles en permanence et pour desservir les quartiers jusqu’ici les moins bien alimentés. Un projet mené par le consortium chinois Sinomach-CMEC et financé à hauteur de 85 % par Exim Bank of China – le reste étant pourvu par le gouvernement camerounais.

En zone rurale, la moitié des équipements ne sont plus fonctionnels au bout de deux ans et cela fait fuir les investisseurs, selon Thierry Barbotte

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Sa réalisation – comprenant le pompage de l’eau brute dans le fleuve Sanaga, la construction de l’usine et le transfert de l’eau vers la capitale – a été confiée en novembre 2017 à Suez, qui a déjà travaillé avec Sinomach-CMEC en Chine, en Angola et au Congo.

Des installations vétustes

Avant de s’attaquer à la construction de stations et de réseaux, « une des priorités pour les grandes entreprises est souvent de reprendre et de réparer des installations dont l’entretien n’est pas assuré, en réduisant les trop nombreuses déperditions d’eau », précise Jochen Rudolph.

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Un défi qui se pose en ville comme en milieu rural. Mais à la campagne, le fait que « la moitié des équipements, des pompes manuelles ou solaires, ne [soient] plus fonctionnels au bout de deux ans, car mal entretenus, fait fuir les investisseurs internationaux, qui préfèrent se replier sur les projets urbains », explique Thierry Barbotte, président de la PME française Odial Solutions.

Un système innovant d’e-pompes

Pour sortir de ce cercle vicieux, son entreprise, qui fabriquait jusque-là des châteaux d’eau et des pompes dans 35 pays subsahariens, est devenue prestataire de services dans la région de Sikasso, au Mali. Elle a investi 2 millions d’euros pour remettre à niveau les pompes des villageois. Elle assure désormais la gestion du service pour une durée de quinze ans, facturant le mètre cube aux usagers à 500 F CFA (0,76 euro).

Un système de paiement sans cash a même été développé autour d’e-pompes. Une solution à long terme que l’entreprise compte bien exporter en dehors du Mali. Elle pourrait inspirer à leur tour d’autres opérateurs privés, qui devraient enfin y trouver leur intérêt pour approvisionner le plus grand nombre.

64 milliards de dollars

C’est, selon Osward Chanda, responsable chargé de la division eau et assainissement de la Banque africaine de développement, ce qui serait nécessaire chaque année pour financer les besoins en eau du continent africain

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