Le match de la semaine : Isabel dos Santos face à Carlos Saturnino en Angola

La fille de l’ancien président angolais, qui fait face à une enquête pour corruption, a un nouvel ennemi : Carlos Saturnino, qui lui a succédé à la tête de la Sonangol, la compagnie pétrolière nationale.

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ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 2 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

C’est la goutte d’huile qui a fait déborder le baril : le 28 février, devant un parterre de journalistes, Carlos Saturnino, le nouveau président du conseil d’administration de Sonangol, la compagnie pétrolière nationale angolaise, a tiré à boulets rouges sur la gestion de son prédécesseur. Qui n’est autre que la milliardaire Isabel dos Santos, par ailleurs fille de l’ancien président.

Économiste et proche de Manuel Vicente (qui fut vice-président du pays et dirigea Sonangol entre 1999 et 2012), Saturnino a pris ses fonctions le 16 novembre dernier. Depuis, il accuse l’équipe de la « princesse » – le surnom que les Angolais donnent à Isabel – d’avoir transféré 38 millions de dollars à Matter Business Solutions, une société basée à Dubaï, qui gérait un groupe de consultants détachés auprès de Sonangol. Et ce, alors que le mandat de cette équipe était échu.

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Entre mai 2016 et novembre 2017, ajoute-t-il, la compagnie pétrolière avait « dépensé environ 135 millions de dollars en services d’orientation et de conseil ». Une somme exorbitante, selon lui, alors que le navire amiral du pays était en difficulté. Enfin, il dénonce l’existence de « conflits d’intérêts » entre les actionnaires de Sonangol et Matter Business Solutions.

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Connue pour son tempérament de feu, Isabel dos Santos s’est aussitôt indignée de ces accusations. Et pour cause : lors de sa prise de fonctions en 2016, elle avait promis de redresser les comptes du géant pétrolier et de lutter contre la corruption qui le gangrenait.

Elle s’est d’abord insurgée sur son fil Twitter. D’ordinaire peu loquace en dehors des réseaux sociaux, elle s’est exprimée dans les colonnes du quotidien économique portugais Jornal de Negocios le 5 mars, dans le journal Sol le 10 mars, sur TV Zimbo le 13, sur radio MFM le 14… Dans cette avalanche d’interviews, elle a inlassablement répété que sa gestion était au-dessus de tout soupçon et que Saturnino était un « menteur ». Elle a même lancé un site internet pour « rétablir la vérité », et assure qu’elle portera plainte pour diffamation contre son successeur.

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La « princesse » n’en démord pas

De son côté, Saturnino s’est montré plus discret. Il n’a fait aucune allusion à l’affaire lors de sa dernière conférence de presse, le 19 mars, se limitant à présenter les perspectives de développement de Sonangol. Pur produit de ce groupe, où il est entré comme stagiaire au service des négociations en 1986, il est aussi devenu l’interlocuteur privilégié du français Total depuis la fin des années 1990.

Carlos Saturnino tient-il là sa revanche ?

Celui qui a fait une bonne partie de sa carrière au sein de la compagnie nationale tient-il là sa revanche ? En effet, il en avait été éjecté par Isabel dos Santos en 2016, alors qu’il dirigeait sa très rentable branche « exploration et production ». Tout juste nommée à la tête de la compagnie, sa rivale avait jugé sa gestion calamiteuse.

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Quoi qu’il en soit, les propos de Saturnino ont été suffisamment pris au sérieux pour que le parquet de Luanda et la Direction nationale de la prévention et de la lutte contre la corruption ouvrent une enquête sur ce fameux virement de 38 millions de dollars.

En écartant la fille de José Eduardo dos Santos, puis en nommant à sa place un ancien cadre qu’elle avait humilié, João Lourenço, l’actuel chef de l’État, pouvait-il ignorer que l’intéressé serait tenté de se venger ? Probablement pas.

La « princesse », elle, n’en démord pas : « L’intervention de Saturnino le 28 février était plus personnelle que professionnelle », fustige-t-elle. Un « règlement de comptes à OK Sonangol » que la justice devra arbitrer.

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