CPI : le lourd héritage de Luis Moreno Ocampo à la CPI

Dossier mal ficelés, finances personnelles controversées… L’ancien procureur, Luis Moreno Ocampo, n’a pas simplifié la tâche de son successeur.

Luis Gabriel Moreno Ocampo, Argentine lawyer and the first Prosecutor of the International Criminal Court (ICC), photographed in London on 25.09.2017 © Andrea ARTZ/LAIF-REA

Luis Gabriel Moreno Ocampo, Argentine lawyer and the first Prosecutor of the International Criminal Court (ICC), photographed in London on 25.09.2017 © Andrea ARTZ/LAIF-REA

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Publié le 30 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.

Pas facile de passer après Luis Moreno Ocampo. l’ancien procureur général de la CPI, qui y a officé de 2003 à 2012, concentre aujourd’hui les critiques.

« Il voulait émettre des mandats d’arrêt très vite, après des enquêtes menées avec une équipe réduite et parfois via des intermédiaires, quitte à bâcler le travail », explique Karine Bonneau, spécialiste de la CPI à la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), qui cite notamment les cas des Congolais Thomas Lubanga, condamné en 2012, et Jean-Pierre Bemba, récemment acquitté.

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« Le dossier Bemba a été mal ficelé. Ocampo a privilégié le spectacle en attaquant uniquement Jean-Pierre Bemba et en laissant de côté les responsables centrafricains. Résultat, les victimes se retrouvent aujourd’hui sans coupable », dénonce aussi Nicolas Tiangaye, avocat et ancien Premier ministre de Centrafrique. « Il voulait marquer les esprits en poursuivant les chefs d’État, mais il avait une approche partielle qui pouvait donner une fausse image de la réalité, comme dans le cas de la Côte d’Ivoire », ajoute l’analyste de la FIDH.

« Un jeu politique sordide »

Plusieurs documents, révélés par Mediapart en 2017, montrent ainsi qu’Ocampo a collaboré avec la diplomatie française afin de favoriser le maintien en détention de l’ancien président Laurent Gbagbo avant même l’émission d’un mandat d’arrêt de la CPI. « Il s’est prêté à un jeu politique sordide », accuse Bernard Houdin, ami de longue date de Laurent Gbagbo.

L’image d’Ocampo est aussi écornée en raison de ses finances. L’Argentin a notamment détenu des sociétés au Panama, dans les îles Vierges britanniques et au Belize, y faisant transiter d’importantes sommes d’argent. Son mandat achevé, il a également continué de solliciter ses collaborateurs de la CPI et a monnayé ses services auprès de cadres libyens, dont Hassan Tatanaki, un homme d’affaires jadis proche du régime Kadhafi.

En 2011, c’est pourtant lui qui avait émis les mandats d’arrêt à l’encontre de Kadhafi, de son fils Seif el-Islam et de son chef des renseignements militaires, Abdallah Senoussi. Rien d’illégal, s’est-il défendu en substance fin 2017. « C’est contraire à l’éthique et cela a jeté le discrédit sur la CPI », réplique Nicolas Tiangaye.

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Une ingérence occidentale contestée

Fatou Bensouda, qui a été l’adjointe d’Ocampo pendant huit ans, a-t-elle pris la mesure de ces polémiques ? La Gambienne assure à JA que « sous [son] mandat, de telles choses ne peuvent arriver ». Pour cela, elle a renforcé ses capacités d’enquête de terrain afin de produire de meilleurs dossiers. Elle a activé, début 2017, le mécanisme de contrôle indépendant chargé de surveiller les employés de la Cour, resté inopérant jusque-là. Une enquête interne actuelle porte d’ailleurs sur deux ex-collaborateurs d’Ocampo.

Enfin, Fatou Bensouda a tenté de répondre aux accusations d’ingérence occidentale en s’intéressant à des dossiers non africains, en Géorgie, en Afghanistan, ou encore en Palestine. « Elle a tiré des leçons du mandat Moreno, poursuit Karine Bonneau. Mais elle continue d’en payer le prix. »

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