Azali Assoumani, président de toutes les Comores

C’est un référendum en forme de plébiscite qu’a remporté le chef de l’état comorien. Le scrutin, contesté par l’opposition, lui offre la possibilité de diriger tout l’archipel jusqu’en 2029.

La réforme de la Constitution portée par Azali Assoumani (à g.) a été approuvée par 92 % des votants. © TONY KARUMBA/AFP

La réforme de la Constitution portée par Azali Assoumani (à g.) a été approuvée par 92 % des votants. © TONY KARUMBA/AFP

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 7 août 2018 Lecture : 4 minutes.

Le score est net. La réforme constitutionnelle portée par le président, Azali Assoumani, a été validée, le 30 juillet, par 92 % des votants. Un scrutin qui s’est globalement déroulé dans le calme, excepté l’agression, à Moroni, d’un gendarme, dans un bureau de vote du quartier de Sansfil. La victime a été amputée d’une main par des assaillants aux motivations incertaines, encagoulés et armés de machettes. On est en tout cas loin du « bain de sang » prédit par les opposants au scrutin.

Les autorités ont tout fait pour inciter les électeurs à se déplacer, et ont obtenu au forceps un taux de participation de 63,9 %. Mais, pour l’opposition, ce vote n’en est pas moins une « mascarade ». Les observateurs internationaux ont, quant à eux, émis des « doutes » sur la « crédibilité du processus électoral ».

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« Pourquoi l’opposition n’a-t-elle pas fait campagne pour le non ? se défend Mohamed Issimaila, le porte-parole de la présidence. Le président n’a fait qu’appliquer les recommandations des Assises nationales [tenues en février] ! »

Élections anticipées

Alors, d’où viennent les nombreuses inquiétudes suscitées par cette réforme ? Le nouveau texte renforce certes les pouvoirs de la présidence. Mais l’actuel locataire du palais, Azali Assoumani, pourrait ne pas en profiter puisqu’il a promis la tenue d’élections anticipées dès 2019, au lieu de 2021. S’il en sort vainqueur, il pourra cependant à nouveau briguer un mandat de cinq ans en 2024 et théoriquement rester à la tête du pays jusqu’en 2029.

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La réforme repousse en effet la tournante entre les trois îles, Grande Comore, Anjouan et Mohéli, instituée en 2001 après une longue période d’instabilité. Pendant dix années désormais, au lieu de cinq, le président sera ainsi issu de la même île. Les trois postes de vice-président (un par île) sont également supprimés, comme les gouvernements insulaires et la Cour constitutionnelle. Le président est également le chef de gouvernement.

On était devenu d’abord ressortissant d’une île, avant d’être comorien

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« Les Assises préconisaient de renforcer l’équilibre du pouvoir, mais on voit bien qu’il s’agit de l’inverse : le texte renforce le pouvoir personnel », regrette Saandi Assoumani, président du mouvement d’opposition Badili Comores. Pour Assoumani, il s’agit plutôt de renforcer l’appartenance à l’Union et l’indivisibilité de l’archipel.

« En 2001, la présidence tournante avait mis fin aux tentations séparatistes, reconnaît un conseiller du président. Mais ce système a “insularisé” la politique. On était devenu d’abord ressortissant d’une île, avant d’être comorien. » Un document, préparé par le palais, souligne que tous les Comoriens pourront donc voter pour élire leur président, d’où qu’il vienne. Le vainqueur, élu « au suffrage direct majoritaire à deux tours », représentera tous les Comoriens.

L’ancien système avait créé de nombreux conflits de compétence

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En renforçant ses attributions, Assoumani cherche-t-il aussi à obtenir plus d’autorité dans le conflit qui oppose régulièrement l’Union et la France sur Mayotte ? Moroni a toujours eu l’ambition de remettre dans son giron cette île, devenue un département français en 2011. Ainsi s’explique certainement une part de la méfiance de Paris envers ce scrutin.

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La réforme devrait également permettre de réaliser des économies. L’unification de la fonction publique pourrait par exemple faire gagner 400 millions de francs comoriens (813 000 euros) par an, selon les chiffres avancés par le régime. Jusque-là, chaque île possédait une fonction publique, en plus de celle de l’État, dirigée par les gouverneurs qui usaient – et abusaient parfois – de leurs prérogatives dans la gestion des recrutements.

Notre conseiller ajoute : « L’ancien système avait créé de nombreux conflits de compétence : entre le ministre des Finances et les commissaires aux Finances des îles, entre les vice-présidents et le président, etc. »

En quête d’investisseurs

Azali Assoumani a toujours défendu l’idée qu’un seul mandat était trop court. « On n’a pas le temps de réaliser quoi que ce soit, arguait-il dans une interview accordée à Jeune Afrique fin juin, en marge du sommet de l’Union africaine à Nouakchott. Si le mandat est renouvelable, on doit exceller pour en briguer un second. » Le président espère aussi attirer de nouveaux investisseurs, grâce à cette perspective de plus grande stabilité.

De nombreux observateurs estiment déjà que sa victoire à la présidentielle anticipée est de toute manière quasi assurée. Les mêmes avancent également que cette réforme consacre encore davantage la marche d’Assoumani vers un pouvoir personnel, qu’il pourrait utiliser pour favoriser ses proches : mettre le pied à l’étrier à son fils Loukman, aujourd’hui lieutenant dans la garde présidentielle, ou encore renforcer l’emprise de son neveu, Hamadi Idarousse, secrétaire général du gouvernement.

Dans une version précédente, nous indiquions à tort que la présidence tournante était supprimée dans la nouvelle Constitution.

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