RDC – Florentin Mokonda Bonza (CDC) : « On nous prépare à accepter la non-tenue des scrutins »
Le président de la Convention des démocrates chrétiens (CDC) a renoncé à se présenter à l’élection présidentielle. Le sénateur expose
RDC : grandeur nature
Les candidats à la présidentielle sont désormais connus. Quelle que soit l’issue du scrutin, prévu en décembre, les défis politiques, économiques et sociaux à relever sont aussi immenses que le sont le pays, ses démons et ses atouts.
Le président de la Convention des démocrates chrétiens (CDC) et de la plateforme politique Nouvelle initiative pour le Congo (NIC) n’est pas pour autant du genre à garder sa langue dans sa poche. « Mon éducation, c’est de dire la vérité », sourit l’ancien directeur de cabinet de Mobutu Sese Seko.
Jeune Afrique : Pourquoi avoir renoncé à vous présenter à la présidentielle ?
Florentin Mokonda Bonza : Depuis le début du processus électoral, la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) refuse de communiquer et de chercher un consensus avec toutes les parties prenantes. À l’inverse, elle fait preuve d’une très bonne entente avec la majorité, avec laquelle elle parle d’une seule et même voix. Au final, que ce soit Joseph Kabila ou un dauphin qui se présente à la présidentielle, c’est du pareil au même. Le même système va se perpétuer. Alors, dans ces conditions, à quoi bon s’engager dans un scrutin où les dés sont pipés d’avance ?
Malgré ses promesses, la Ceni a abandonné l’enrôlement des Congolais de l’étranger
Pensez-vous que les différentes élections se tiendront, comme prévu, le 23 décembre ?
On peut en douter. Malgré ses promesses, la Ceni a abandonné l’enrôlement des Congolais de l’étranger : trop difficile, trop coûteux, de nature à retarder le processus électoral, nous dit-on. Alors qu’il y a un an, cela ne semblait pas poser le moindre problème. Même interrogation autour de la machine à voter, qui serait indispensable pour organiser des élections en temps et en heure, mais qui, pourtant, n’apparaît nulle part dans le calendrier de la Ceni.
Tout cela me donne le sentiment qu’on nous prépare psychologiquement à accepter la non-tenue des élections. Or la population veut l’alternance cette année. D’où le risque d’une confrontation avec les services de sécurité.
Pendant mes onze années au Sénat, j’ai vu défiler un nombre incalculable de commissions d’enquête et de rapports accablants, qui ont tous fait pschitt
Quel regard portez-vous sur les dix-sept années de présidence de Joseph Kabila ?
À mes yeux, un homme politique doit être à la fois prophète, enseignant et gendarme. Il doit proposer à son peuple un projet de société, faire œuvre de pédagogie pour l’amener à y adhérer et assurer le respect de l’État de droit. Le président Kabila ne répond à aucune de ces exigences. Résultat : en RD Congo, vous pouvez faire n’importe quoi sans jamais être inquiété.
Pendant mes onze années au Sénat, j’ai vu défiler un nombre incalculable de commissions d’enquête et de rapports accablants, qui ont tous fait pschitt. Qu’en sera-t-il lorsque le FCC (Front commun pour le Congo) aura une majorité écrasante dans toutes les assemblées ? On risque de voir réapparaître un système de pensée unique, dans lequel nos dirigeants vont se croire tout permis. Franchement, j’ai peur pour mon pays.
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On ne peut pas demander aux gens de réfléchir lorsqu’ils n’ont pas mangé
L’opposition politique peine à mobiliser les Congolais. Comment l’expliquez-vous ?
Une anecdote d’abord. Lorsque j’étais le directeur de cabinet de Mobutu, je devais me rendre chaque jour sur son yacht, le Kamanyola, avec d’autres collaborateurs. Au niveau du pont Matete, des opposants campaient et nous obligeaient à faire le signe de la victoire avant de passer. Après qu’on lui eut raconté, le maréchal nous a rétorqué : « Mais vous n’êtes pas sérieux ! »
À l’époque, l’opposition réussissait à mobiliser. Depuis, la population s’est appauvrie. On ne peut pas demander aux gens de réfléchir lorsqu’ils n’ont pas mangé.
Y a-t-il lieu de faire un parallèle entre aujourd’hui et la fin des années Mobutu ?
Il y a la même atmosphère de fin de règne. Lors d’une rencontre avec le directeur de cabinet de Kabila et le chef de l’Agence nationale de renseignements, je le leur ai dit. Ils étaient choqués. Ceux qui gravitent autour du président Kabila doivent prendre garde à ne pas accélérer sa chute, comme l’ont fait les faucons, en leur temps, avec le maréchal.
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