Arts plastiques : le rose et le noir de Dalila Dalléas Bouzar

À l’occasion de la foire d’art contemporain Also Known as Africa, l’artiste d’origine algérienne Dalila Dalléas Bouzar prépare plusieurs grands formats et une performance.

Dalila Dalléas Bouzar dans son atelier à Bordeaux. © Alexandre Dupeyron pour JA

Dalila Dalléas Bouzar dans son atelier à Bordeaux. © Alexandre Dupeyron pour JA

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 5 novembre 2018 Lecture : 8 minutes.

Au fond de l’atelier, une version grand format de la Cène, où Jésus a le visage de Bob Marley. Sur le côté, une grande toile noire attendant la naissance d’un arbre aux reflets rouges. Un peu partout, des croquis, des photos, des tableaux, des livres, des carnets, de la peinture. Vêtue de noir, Dalila Dalléas Bouzar déambule dans son repaire de L’Annexe B., à Bordeaux. C’est là, non loin d’une mosquée, dans une ancienne école contenant toujours de l’amiante, qu’elle peint et prépare la foire d’art contemporain africain Also Known as Africa (Akaa, à Paris, du 9 au 11 novembre).

Outre ses grands formats rapprochant le dernier repas du Christ et l’arbre à palabre des Africains, l’artiste réalisera une performance au cours de laquelle, pendant cinq heures, elle peindra les visages des visiteurs. Comme elle l’a déjà fait avec quelque 70 personnes lors de la dernière Biennale de Dakar. « Je vais commencer par maquiller les gens, avant de les peindre, explique-t-elle. J’aime la contrainte de temps et le travail avec le modèle vivant, cela évacue la complaisance et la fainéantise. Je cherche à atteindre ce lâcher-prise et cet état de tension où l’énergie manque pour s’autocensurer. Cela permet de faire apparaître d’autres choses… »

Relation avec l’Algérie natale

Née en février 1974 à Oran, Dalila Dalléas Bouzar s’est emparée de la peinture à l’huile un peu comme son compatriote Kateb Yacine s’est emparé de la langue française. Mais ce « butin de guerre » enlevé à la tradition occidentale – et à une histoire de l’art longtemps européocentrée – n’est pas le produit d’un vol à l’arraché : il lui a fallu des années pour trouver cette voie.

Arrivée à l’âge de 2 ans en France, par la route, elle est issue d’un milieu modeste. Son père, originaire de Chlef, travaille dans le bâtiment. Sa mère, originaire de Nédroma, « travaillait beaucoup à la maison, éduquant ses cinq enfants, comme toutes les femmes ». Les yeux de Dalila Dalléas pétillent quand elle précise le portrait de sa mère : « Elle a un truc un peu punk, art brut. Elle est… spéciale. Née dans un autre environnement, elle aurait sans doute travaillé dans la mode. »

Pas besoin de creuser beaucoup pour remarquer que la relation avec l’Algérie natale est paradoxale. « À Paris, mes parents étaient assez libres, mais la tradition les rattrapait dès qu’ils rentraient au pays. Si mon père peut avoir des mots durs pour la France, qui nous a colonisés, ma mère déteste l’Algérie et la situation de soumission qui y est imposée aux femmes. Elle a été traumatisée quand on l’a forcée à quitter l’école, à 13 ans. »

Bien s’informer, mieux décider

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