Littérature – Henri Lopes : « Au Congo, le français est l’antidote au tribalisme »
Écrivain, diplomate, ancien candidat à la direction de l’Organisation internationale de la francophonie, le Congolais revient sur son parcours avec un livre somme, « Il est déjà demain ».
S’il n’est pas certain que son autobiographie, Il est déjà demain, soit son dernier ouvrage, le politique et diplomate congolais Henri Lopes dit avoir ressenti le besoin de se démasquer, d’avancer à visage découvert. À visage découvert ? On en doute un brin. Qui est ce métis congolais de 81 ans qui a poursuivi, sans heurt, son petit bonhomme de chemin au sein de l’appareil d’État congolais au point de finir ambassadeur du Congo à Paris jusqu’en 2015 ?
Les grandes révélations y sont rares, et les omissions nombreuses
Un animal politique, assurément. Un homme de culture, sans aucun doute. Un romancier, c’est incontestable. D’autres questions, moins évidentes, fusent. Mais les réponses ne nous sont pas forcément données à la lecture de ces Mémoires couchés sur 500 pages. Les grandes révélations y sont rares, et les omissions nombreuses. Alors, avec lui, on a encore creusé. Il en résulte qu’Henri Lopes, qui vit désormais en région parisienne, jongle encore avec les non-dits et n’a pas tout à fait quitté le chemin de la diplomatie.
Jeune Afrique : La question du métissage traverse toute votre oeuvre. Être métis, est-ce une bénédiction ou une malédiction ?
Henri Lopes : J’aurais tendance à dire l’une et l’autre. Le métissage était, pour la génération de mes parents comme pour la mienne, quelque chose de douloureux. Pourquoi ? Parce que le métis est celui qui, dans la salle de classe ou la cour de récréation, est différent des autres. C’est un peu l’albinos du coin. Cette partie douloureuse, je l’utilise pour commencer le récit en évoquant le moment où, dans votre propre pays, on met en doute vos origines.
Mais le métissage est aussi une richesse, peut-être une bénédiction. Je considère aujourd’hui qu’il n’a rien à voir avec la couleur de la peau. Il y a des métis de couleur de peau blanche et des métis de couleur de peau noire. C’est une question de culture.
Lorsque ça va mal et que l’on cherche une tête de Turc, le métis peut être celui qui est pointé du doigt
Et vis-à-vis de votre carrière politique ?
Étudiant, j’ai hésité à m’engager à la Feanf [Fédération des étudiants d’Afrique noire en France] parce que j’étais métis. De ce point de vue, mes camarades de l’Afrique occidentale étaient plus ouverts que ceux de l’Afrique centrale. Ils me disaient : « Mais qu’est-ce que tu racontes ? Il n’y a pas de problème métis. » Quant à ma carrière, je dirais que, lorsque ça va mal et que l’on cherche une tête de Turc, le métis peut être celui qui est pointé du doigt. Dans un pays qui se décolonise, votre couleur se rapproche de celle du colon, alors on se demande si vous avez bien votre place ici.
Quelle est votre oeuvre la plus réussie ?
Les romans sont, pour un écrivain, comme ses enfants. Il les défend tous, même quand il y en a un de bossu. Mais la tendance est de penser que le dernier est le plus achevé. Parce que l’on peut dire que le livre précédent était le brouillon de celui qui vient.
Bien s’informer, mieux décider
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