[Tribune] Pour un financement massif des PME

Financer davantage les PME africaines – qui font face à un important déficit de financement -, en s’appuyant notamment sur le capital-investissement, permettrait au continent d’améliorer sa croissance.

Dans les locaux de l’entreprise Safina, à Dakar, au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Dans les locaux de l’entreprise Safina, à Dakar, au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

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Publié le 4 décembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Un consensus se dégage progressivement sur le fait que la croissance africaine des quinze dernières années, bien que soutenue, n’a pas réussi à améliorer de manière significative les conditions de vie des populations. L’une des raisons est que cette croissance, tirée par les investissements publics dans les infrastructures et les investissements directs étrangers, n’a pas été pour l’essentiel le fait des PME locales.

Si l’essor des PME apparaît donc comme la condition sine qua non d’une croissance inclusive et endogène, sa réalité est tributaire de leur accès à trois ressources, que sont la technologie, le talent (capital humain) et le financement. Ce dernier est celui qui fait le plus défaut à l’Afrique.

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Le niveau de financement (dettes, capital, etc.) disponible pour l’État, les entreprises et les ménages ne représente qu’environ 100 % du PIB, soit un ratio quatre fois inférieur à celui d’autres régions.

Au Sénégal, le déficit de financement des PME a été estimé à 516 milliards de F CFA en 2017 et pourrait atteindre 800 milliards de F CFA en 2021

Un déficit de financement

Au Sénégal, le déficit de financement des PME a été estimé à 516 milliards de F CFA (787 millions d’euros) en 2017 et pourrait atteindre 800 milliards de F CFA en 2021. Au Bénin, l’agriculture, qui emploie 50 % de la population active et génère 25 % du PIB, ne représente qu’environ 2 % des encours de financement.

>>> À LIRE – Sénégal : pas de prospérité sans PME

L’Afrique est donc un continent sous-financé, et ce sont les PME, plus que les ménages, les États et les grandes entreprises, qui en font les frais.

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En investissant massivement dans les infrastructures au cours des dernières années, les pays africains ont par ricochet donné la priorité au financement des déficits publics avec un effet d’éviction important, les banques préférant prêter aux États plutôt qu’aux PME.

Mise en place des dispositifs

L’heure doit désormais être à la mise en place effective de dispositifs permettant de limiter cet effet d’éviction et de drainer en abondance des financements vers les PME pour en faire des champions régionaux.

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>>> À LIRE – Stratégie : le temps des PME

Au Sénégal, l’Agence de développement et d’encadrement des PME (Adepme), chargée de mettre en œuvre la politique publique d’appui aux PME, et la Société générale viennent de lancer le programme Envol. Celui-ci s’appuie sur un outil de scoring (évaluation financière) pour réduire l’asymétrie d’information et constituer un vivier de PME dynamiques qui auront un accès privilégié au financement ainsi qu’à un dispositif d’accompagnement non financier (assistance technique, formation).

170 milliards de F CFA devraient pouvoir ainsi être mobilisés sur cinq ans au service des PME

Cent soixante-dix milliards de F CFA devraient pouvoir ainsi être mobilisés sur cinq ans au service des PME. Un tel dispositif pourrait constituer un réel tournant si le Sénégal réussit à y associer d’autres banques, le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) ainsi que le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis), dont 20 % des ressources de financement devraient à terme être allouées aux PME.

S’appuyer sur le capital-investissement

L’Afrique devra en outre s’appuyer sur le capital-investissement pour diversifier les outils de financement, comme réussit progressivement à le faire un pays comme le Kenya. Financement alternatif sous d’autres cieux, il permet en effet de résorber le gap de financement en Afrique, d’améliorer la gouvernance des PME (souvent familiales), d’optimiser leur performance opérationnelle en capitalisant sur la transformation numérique et de réussir leur expansion pour éviter le piège de l’enfermement dans des frontières nationales avec des potentiels de marchés très limités, à l’exception de pays comme l’Afrique du Sud et le Nigeria.

>>> À LIRE – Capital-investissement : bataille de l’attractivité entre Abidjan et Dakar

Afin d’accélérer l’essor du capital-investissement, les États peuvent mettre en place trois types de dispositifs complémentaires. Il s’agit d’abord d’encourager la création de fonds d’investissement africains et l’engagement d’acteurs institutionnels locaux (assurances, banques, etc.) aux côtés des fonds internationaux qui se déploient sur le continent, tout en améliorant la perception du risque afin d’attirer davantage d’acteurs non africains. Il est ensuite important de faire évoluer les cadres réglementaires afin de faciliter la mobilisation de l’épargne nationale.

Enfin, il serait judicieux de mettre en place des incitations pour orienter les investissements dans des secteurs stratégiques comme la santé, l’éducation, l’agriculture ou le numérique.

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