Au Burundi, Agathon Rwasa en équilibre précaire face à Pierre Nkurunziza

Agathon Rwasa est désormais le principal opposant déclaré au président Pierre Nkurunziza à être toujours présent dans le pays. Il y est même parvenu à faire reconnaître son parti, le Congrès national pour la liberté (CNL). Mais sa position est difficile à tenir, dans un pays cadenassé par le pouvoir.

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Publié le 28 mai 2019 Lecture : 3 minutes.

Quatre ans jour pour jour après sa réélection contestée, Pierre Nkurunziza continue de faire la chasse aux « traîtres ». Le 15 mai, la justice burundaise a ordonné la saisie des biens d’une trentaine de personnalités en exil que le chef de l’État et le CNDD-FDD, son parti, accusent d’avoir été les complices des putschistes en mai 2015. De fait, à un an de la présidentielle, la plupart des opposants au troisième mandat de Nkurunziza vivent hors du pays.

Sur place, ne reste plus guère qu’Agathon Rwasa. Dans cet espace politique cadenassé, être considéré comme le principal opposant n’a rien d’une promenade de santé. En février, au terme d’un long bras de fer avec le gouvernement, l’ancien chef de la rébellion hutue du FNL a obtenu que son Congrès national pour la liberté (CNL) soit autorisé.

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Le CNL menacé

Ce nouveau parti comble le vide laissé par la plateforme Amizero y’Abarundi (« Espoir des Burundais »), proscrite depuis que la Constitution a interdit à des candidats indépendants de former des coalitions. « Un travail de titan nous attend », avait ensuite confié Rwasa. Trois mois plus tard, le bilan n’est pas reluisant. Le CNL accuse chaque semaine la police, les renseignements et les Imbonerakure (les jeunesses du CNDD-FDD) de menacer ou d’arrêter ses militants.

>>> À LIRE – Agathon Rwasa : 5 choses à savoir sur cet opposant burundais au long passé de chef de guerre

Bien que concentré sur les élections de 2020, Agathon Rwasa n’a pas encore dévoilé ses intentions pour la présidentielle. « Il est prématuré de se prononcer », commente-t-il. Son entourage prend moins de précautions : « Il est aujourd’hui le seul à avoir suffisamment de crédibilité politique pour affronter le CNDD-FDD », assure un membre du CNL.

Nkurunziza, de son côté, s’en tient pour l’instant à une promesse qu’il a faite en juin 2018 : bien que la Constitution l’y autorise, il ne sera pas candidat à un quatrième mandat. Mais son parti envoie des signaux contradictoires, et Rwasa a appris à ne plus le croire sur parole…

Piégé par le président, l’ancien chef rebelle à remonter la pente

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Au lendemain de l’élection de 2015, sous la pression des pays de la sous-région, des ONG et de la communauté internationale, le président s’était employé à ramener la coalition de Rwasa dans le giron des institutions. Dans un pays devenu exsangue après des mois de violences, s’allier à l’ancien chef rebelle – qui n’a déposé les armes qu’en 2009 – constituait un habile coup politique. Alors que ses militants étaient confrontés à une vaste campagne d’intimidation, Rwasa avait, contrairement au reste de l’opposition, accepté de « jouer le jeu » et de ne pas aller au clash.

Allié de circonstance

Élu premier vice-président de l’Assemblée nationale avec les voix du parti du Nkurunziza, dont il avait pourtant contesté le droit à briguer un troisième mandat, critiqué par certains de ses anciens alliés, Rwasa misait gros. Mais, peu de temps après, le président a renforcé sa mainmise sur les rouages de l’État et boudé le dialogue interburundais, censé ouvrir la voie à une sortie de crise.

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Rwasa n’étant plus indispensable au bon fonctionnement des institutions, il s’est défait de cet allié de circonstance en modifiant la Constitution et en supprimant l’obligation faite au parti majoritaire de partager le pouvoir avec toutes les formations ou coalitions d’indépendants ayant obtenu au moins 5 % aux législatives.

Pour l’opposant, le pari n’aura donc pas été gagnant. Alors que le CNDD-FDD fait déjà campagne en coulisses, il ne lui reste plus qu’un an pour reconstituer ses forces.

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