Jean-Pierre Filiu : « Comme la lutte de libération contre le colonisateur, le Hirak ne s’arrêtera pas »

Avec « Algérie, la nouvelle indépendance », le chercheur français dissèque le mouvement de contestation actuel en le mettant en perspective. Et se montre, sur le long terme, résolument optimiste.

Rue Hassiba-Ben-Bouali, dans le centre d’Alger. © Samir Sid

Rue Hassiba-Ben-Bouali, dans le centre d’Alger. © Samir Sid

Renaud de Rochebrune

Publié le 29 janvier 2020 Lecture : 10 minutes.

Après s’être rendu sur le terrain, le chercheur Jean-Pierre Filiu publie un livre très documenté consacré au mouvement de contestation populaire en Algérie, le Hirak. Pour ce spécialiste de l’histoire du monde arabo-musulman, il s’agit là du dernier épisode en date d’un phénomène majeur commencé en 2010 : un renouveau de la lutte des peuples pour leur émancipation.

Après l’échec apparent, en dehors du cas tunisien, de ce que l’on a appelé les printemps arabes, Filiu serait-il un incorrigible optimiste quant à la capacité des peuples à se libérer des régimes autoritaires ? Et ne sous-estime-t-il pas la résistance du régime algérien, dominé par l’armée, face aux revendications du Hirak pour qu’advienne « une nouvelle indépendance » ? Certainement pas, affirme-t-il avec la conviction inébranlable de l’historien travaillant sur la durée.

Jeune Afrique : Pourquoi publier un livre sur le Hirak alors que la situation reste très évolutive en Algérie ?

Jean-Pierre Filiu : J’ai fait le choix de traiter l’actualité la plus immédiate dans le monde arabe. Cette posture comporte des risques, et je les assume parce qu’ils me paraissent largement compensés par la contribution que je peux apporter à l’interprétation d’événements souvent déroutants par leur intensité et leur complexité. La valeur ajoutée de mon livre, c’est la profondeur historique. Il ne s’agit pas du récit descriptif de dix mois de Hirak, mais de sa mise en perspective dans le temps long du mouvement national algérien.

D’où le titre choisi : « La nouvelle indépendance » ?

Cette « nouvelle indépendance », à laquelle aspirent les Algériens, ne peut être appréhendée qu’à la lumière de l’indépendance de 1962. Et de son détournement incroyablement rapide, en quelques semaines, par l’armée des frontières. Celle-ci, sous la direction de Boumédiène, a écrasé la résistance intérieure, déjà affaiblie par la répression française. Et c’est cet écrasement qui a jeté les bases du régime dont le peuple veut aujourd’hui s’émanciper. Dès l’introduction, je rappelle l’invocation par le mouvement de deux grands martyrs de la guerre en 1957.

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